Quand on creuse un peu la question de l’écriture inclusive, on se rend vite compte que le point médian est l’arbre qui cache la forêt, et que la question et les enjeux sont bien plus complexes. Il est parfois difficile de se faire un avis tranché et dépassionné tant on entend tout et son contraire.
“J’aime pas, c’est pas beau, on a toujours fait comme ça !” Et si on allait voir ce qui se cache vraiment derrière toutes ces pensées instinctives ?
Je vous propose aujourd’hui trois ouvrages de vulgarisation courts et accessibles au grand public qui creusent chacun un volet de la question :
- la perspective linguistique
- la perspective psycholinguistique
- la perspective historique
Comme ça, vous saurez tout ! et vous pourrez vous faire un avis éclairé et intentionnel.
La perspective linguistique
Le français est à nous ! Petit manuel d’émancipation linguistique, de Maria Candéa et Laélia Véron.
Un petit bijou de vulgarisation linguistique à mettre entre toutes les mains ! Par les deux linguistes également à l’œuvre derrière le podcast Parler comme jamais.
Avec humour, les autrices, linguistes, reviennent sur l’histoire de notre langue et des paniques morales qui l’accompagnent.
- Saviez-vous que le français est en grand danger de disparition imminente depuis… le XVIe siècle au moins ?
- Vous demandez-vous à quoi sert vraiment l’Académie française ?
- Avez-vous l’impression que la langue s’appauvrit à vue d’œil ?
- Vous demandez-vous qui vous devez maudire pour ces heures passées à apprendre les règles d’accord du participe passé ?
- Au fond, ça veut dire quoi, “aimer la langue française” ?
L’ouvrage revient sur ces questions et bien d’autres. Il est accessible, qu’on ait des bases en linguistique ou pas (ce qui est le cas de l’écrasante majorité de la population, ce sur quoi le livre revient également), et propose des ressources pour approfondir les différents sujets.
Concernant le sujet qui nous intéresse, l’écriture inclusive, un chapitre est dédié aux questions de masculinisation vs féminisation de la langue en ramenant le débat à des questions linguistiques, plutôt que morales et politiques.
Il détricote quelques idées reçues, nous offre un bref rappel historique, nous explique pourquoi l’expression “féminisation de la langue” est trompeuse…
Une lecture que je recommande même si la question de l’écriture inclusive ne vous intéresse pas vraiment, tant elle est passionnante et offre un nouveau regard sur la langue française, son passé, son présent et son avenir.
Et prône un amour inconditionnel et véritable de notre langue : l’aimer pour ce qu’elle est vraiment, pas l’image fantasmée, romancée, que l’on en voit notamment dans les médias.
La perspective psycholinguistique
Le cerveau pense-t-il au masculin ? Cerveau, langage et représentations sexistes, de Pascal Gygax, Sandrine Zufferey et Ute Gabriel
“Moi, je comprends très bien que le masculin désigne aussi des femmes.” À force de l’entendre, on finirait presque par le croire. Mais qu’en est-il vraiment ?
Que se passe-t-il entre nos deux oreilles quand on dit, par exemple, “Le médecin a demandé aux collégiens de se laver les mains.”
Cet ouvrage de vulgarisation écrit par une professeure de psychologie sociale, une docteure en linguistique et un psycholinguiste et psychologue cognitif tentent de répondre scientifiquement à la question.
- Quelles sont les conséquences concrètes de ce masculin générique (qui désigne aussi des femmes, du moins en théorie) ?
- Est-il vraiment neutre ?
- Quels sont les liens entre langue et pensée ?
- Féminiser la langue changerait-il vraiment quelque chose à notre vision du monde et aux stéréotypes ?
Vous y trouverez aussi des expériences simples et concrètes que vous pourrez mener pour vous en rendre compte par vous-mêmes. Idéal pour les sceptiques.
De chapitre en chapitre, on nous montre d’abord les effets du masculin dit générique sur notre vision du monde, puis en comparaison avec d’autres tournures plus inclusives (ou moins exclusives, question de point de vue), comme les doublets.
C’est aussi la ressource idéale si vous êtes du genre à demander des sources quand on parle de langage non sexiste, ou bien si on vous demande toujours des sources ! Car ce livre regorge de références et d’études sur le sujet.
La perspective historique
Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin, d’Éliane Viennot
Vous l’aurez compris au titre, l’autrice, historienne de la littérature, s’est donné pour mission de redonner leurs lettres de noblesse aux mots féminins.
Non sans humour, ce court essai retrace la masculinisation à marche forcée de la langue française depuis le XIIe siècle.
Il permet de mieux comprendre comment cette domination du masculin dans la langue s’est inscrite dans un contexte plus large, appelé la “Querelle des femmes”. Savoir d’où l’on vient pour mieux comprendre où l’on va, en sommes.
Parce que pour pouvoir affirmer que l’écriture inclusive est politique (personne ne le conteste), il faut d’abord comprendre que l’inverse l’est aussi. Que le français n’est pas accidentellement sexiste et que d’autres solutions ont toujours existé et sont encore aujourd’hui à notre disposition.
Sans parler d’inventer de nouvelles formes (pour ça, voir plutôt le premier ouvrage ci-dessus), on voit ici que d’autres formes d’expression permettant de rendre les femmes visibles ont toujours existé, et qu’une démarche consciente et politique a été menée pour les faire tomber aux oubliettes.
Vous aurez le plaisir de découvrir ou redécouvrir des figures historiques et littéraires comme Mme de Sévigné et Christine de Pisan, mais aussi les arguments pas toujours très hauts du front en faveur de l’effacement du féminin dans la langue.
Pour aller plus loin...
Ces ouvrages font partie de Ma bibliothèque inclusive (et féministe), une bibliothèque évolutive d’essais, de romans et d’articles sur les questions d’inclusivité, de diversité et de féminisme ! Pour recevoir gratuitement votre accès, c’est ici !
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